Témoignage 1

RECIT DE JACQUES BEYLY



Les "anciens" jeunes de la colo témoignent, racontent leurs souvenirs, leur histoire au centre.

"J’ai toujours voulu revenir à St Nérée, je n’ai jamais osé de peur de briser le rêve. Cependant, atteignant la cinquantaine, j’ai souhaité me rapprocher de ce lieu magique où j’étais heureux, enfant et adolescent.

Il me fallait tout d’abord retrouver mon ancien directeur, Henri Deglane (l’âme de cette colo !). Par divers intermédiaires, je l’ai contacté : j’ ose l’appeler Henri maintenant.  Avec l’association des amis de St Nérée, je suis revenu à la colonie.

Par solidarité conjugale, mon épouse  m’a accompagné et en est repartie les larmes aux yeux : la magie des lieux, des gens, avait opéré."

Revenons en arrière de quelques années…

"Le car part du Champ de Juillet à Limoges, à coté de la Fédération des Oeuvres Laïques, propriétaire de la colonie.

Je n’aime pas trop ce voyage en autobus : en plus de ma propre nausée, j’appréhende les vomissements de mes futurs copains………

La route est longue jusqu’aux Pyrénées,  l’odeur à l’intérieur du car la rallonge encore. Nous finissions quand même par arriver à la colo.

J’ai connu les trois bâtiments au fur et à mesure que me poussaient les poils aux  jambes et au  menton.

Je me souviens de ce fils d’ouvrier qui lorgnait sur le sac à dos "à armatures" et sur les gourdes en alu de ses petits camarades plus favorisés. Je traînais un sac à dos informe et une gourde en plastique qui au soleil avait goût de…….plastique.

Mes baskets montantes se transformaient en Super Guide de Galibier que j’aurai plus tard étant ado, et avec lesquelles je faisais tous les soirs, l’attaque de la diligence, au premier étage de l’annexe, afin de réveiller les copains qui dormaient au rez de chaussée.

Je me souviens du courrier, distribué à coté de la rivière, distribution porteuse d’espoir et souvent de déception, mes parents n’étant pas très prolixes.

Petit, j’avais peur d’être oublié dans ce coin perdu si loin de la maison, plus grand j’avais peur d’y être retrouvé !

Et puis, il y avait les balades, en file indienne, sac à dos au dos et gourde accrochée qui nous battait les flancs.

En avant, vers le col de l’Aouet, les mines de fer……en chantant à tue tête notre bonheur d’être là.

"Ohé, tous les gars de St Nérée, jambes légères…..

Ohé, s’en iront vers les sommets, la roche altière……."

Les grands jeux comme  le Yéti nous terrifiaient car même si nous savions que c’était  Henri ou un moniteur déguisé : que c’était bon d’avoir peur, de ramper dans les ronces pour s’approcher du périmètre gardé par ce gigantesque Yéti ! Pour nous mettre dans l’ambiance Henri nous avait conté l’histoire de cet  abominable homme des neiges : on faisait semblant d’y croire, mais……. on tremblait quand même !

Ados, nous campions pendant quelques jours, aux Fontaines de l’ Artigue, avec tout le confort dans le ruisseau…

Les corvées de vaisselle se transformaient en course de bateaux : une assiette lâchée dans le courant et récupérée par un copain 10 mètres plus bas ne pouvait être que parfaitement nettoyée.
Le soir, quand les monos dormaient, nous sortions de nos tentes et descendions les quelques kilomètres qui nous séparaient de la colo, pour voir les monitrices des petits. La nuit, les phares des voitures portent loin et nous plongions dans les fossés à la moindre lueur, alors qu’il y avait peu de chance qu’une auto s’aventure dans ce cul de sac. Mais ceci faisait partie de l’aventure.

Le jour de la montée au col de l’Aouet, nous dormions à la belle étoile, près du feu, où nous faisions griller de larges tranches de pain, dont l’aspect carbonisé nous aurait rebuté partout ailleurs… et pourtant que c’était bon !

Couchés dans nos duvets nous attendions les petits qui montaient à pied de la colo.

Reviennent aussi à ma mémoire des souvenirs de champs de rhododendrons , de l’accordéon du berger dont les soufflets percés laissaient échapper de longs soupirs : un jour où l’orage nous avait obligés à nous réfugier dans sa cabane. « Etoile des neiges .pshitttttttttt » nous étions tordus de rire.

Et puis,….et puis, il y avait M. Deglane, que j’ai eu comme instituteur avant d’être mon directeur à St Nérée.

On sentait bien qu’il nous aimait et nous lui portions un grand respect et une profonde affection. Ceci dit, on faisait pas non plus n’importe quoi : il y avait de l’autorité, mais bienveillante, présente sans être pesante.

Arrivés au sommet, il sortait sa flûte du sac et on chantait.  » De montagnes Pyrénées à Salut glaciers sublimes », le chœur des gosses de St Nérée retentissait sur les hauteurs, pas toujours très juste mais à chaque fois avec le sentiment réconfortant de faire partie d’une aventure, d’une confrérie, d’une identité, bref de St Nérée.

Au fil de ces étés, Henri m’a enseigné, sans avoir l’air d’y toucher, par son exemple, à devenir un homme responsable et tout simplement humain. Aujourd’hui responsable d’une centaine de personnes, je les gère avec calme, sérénité et bienveillance, et c’est à lui, j’en suis persuadé que je le dois.

St Nérée était plus qu’une colo, c’était une famille, un refuge, un idéal dont on n’est pas déçu et ce sera pour moi un lieu de repos lorsque le temps en sera venu.

Il n’est pas exagéré de dire que toute ma vie St Nérée a été en moi.

Enfant, ado, j’y étais heureux.

Adulte, le souvenir en était si beau que je n’osais y revenir.

Aujourd’hui, après un séjour en été 2009, c’est la même magie, le même enchantement.

Y revenir, avec Henri, lui qui est l’esprit de ce lieu, m’a rendu heureux, tout simplement,"

 


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